Rapport Auclaire intégral (source CNC)


dimanche 8 février 2009

B.II • 1 • Qu'est-ce qu'un festival de cinéma ?

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |

Plusieurs centaines de manifestations dont le cinéma est l'objet ou le support sont organisées chaque année. Paradoxalement l’un des effets de cette accumulation est que la fonction des festivals dans la diffusion des films demeure sous-estimée. Or, on a vu qu’il s’agit d'un vecteur de diffusion culturelle du cinéma qui a pris une place significative à côté de la programmation en salle. Les festivals apportent une exposition aux films les plus difficiles et les plus rares, ils attirent les nouveaux spectateurs comme ils entretiennent l'intérêt des cinéphiles, ils participent de manière directe ou diffuse à la sensibilisation et à la formation de la culture cinématographique.

S'agissant du court métrage, dont la diffusion demeure notoirement marginale en dépit de l'action de l'Agence du court métrage, les festivals peuvent même participer directement à l'économie du film, ce dont témoignent des producteurs de films courts. Il faut à cet égard noter que les festivals consacrés au film court se sont multipliés depuis quelques années, et qu'ils figurent parmi ceux qui enregistrent la plus forte fréquentation publique et payante. Toutefois le statut juridique et économique des festivals demeure indécis. Comme il n'existe aucune définition juridique de la notion de festival, l'intervention des collectivités publiques, des professionnels, et des partenaires financiers, se fonde actuellement sur des critères de circonstance. Ainsi on tiendra compte de l’insertion de l’évènement dans la politique culturelle de la ville d'accueil, des effets induits sur la fréquentation ou la notoriété touristique, de la place acquise au fil des ans par la manifestation auprès des professionnels, de la critique, du public, voire de la capacité de conviction des organisateurs. Il serait donc très utile pour les organismes publics sollicités par les organisateurs que soient fixées quelques règles d'évaluation des festivals et manifestations culturelles. Quel est l'organisateur de la manifestation ? Quelle est la position des collectivités territoriales ? Quelle place est accordée aux partenaires privés et aux mécènes ? Comment se fait la sélection des films ? Quelles sont les relations avec les distributeurs ? Quel est le régime applicable au regard de la réglementation professionnelle du CNC ? Quel est le statut juridique et fiscal de l'accès pour le public payant ?

Pour ce qui est de l'intervention du ministère de la culture et de la communication et du CNC en faveur des festivals, les critères d’appréciation sont d’ordre culturel et professionnel. On citera notamment la notoriété internationale, les conditions de la sélection et de l'élaboration du programme, la sélection de films inédits au moins en France, la présence de la presse spécialisée, l'invitation et la présence de professionnels du cinéma et notamment des équipes des films, la nature et la notoriété des récompenses attribuées. On peut aussi considérer les conditions juridiques et financières dans lesquelles les films en sélection sont présentés, ainsi que les conditions d'accueil du public, sur invitation ou en accès payant, au moins pour une partie du public. Dans ce dernier cas, on observe que certains festivals utilisent le système de billetterie du CNC, donc s'inscrivent en tout ou partie dans le cadre de l'exploitation traditionnelle.

Les festivals sont des initiatives libres dont le contenu, les objectifs, la programmation relèvent de la seule autorité de leurs organisateurs. Faut-il néanmoins imposer aux festivals de cinéma un mode de fonctionnement réglementé pour obtenir le soutien des collectivités publiques ? Aussi longtemps que les festivals se bornent à une fonction de promotion reposant sur un échange en nature (prêt du film contre présence professionnelle et critique, programme spécifique contre soutien local), la réponse est sans doute négative. Il appartient aux professionnels de décider de l'organisation qui convient le mieux aux différentes parties intéressées à faire connaître un film, le « vendre » aux programmateurs, et attirer l'attention des médias. Il appartient aux responsables des collectivités territoriales de soutenir une manifestation qu'ils jugent utiles à leur ville, leur département, leur région, et ce quels qu'en soient les motifs, qui peuvent être étrangers au cinéma.

En revanche, le ministère de la culture et le CNC sont tenus de respecter le principe de spécialité de leur mission : le soutien à la création à la production et à la diffusion des œuvres, le soutien à l'investissement, la régulation du marché, l'action en faveur de la diversité sociale et culturelle. De surcroît, les règles de décentralisation et de déconcentration imposent de suivre des procédures adaptées aux différents échelons de compétence mis en jeu. Au terme de cette analyse, il paraît utile de recommander des mesures de clarification permettant à chacun d'identifier les régimes juridiques à respecter, les interlocuteurs utiles, leur niveau de compétence et leurs critères d'intervention.