Rapport Auclaire intégral (source CNC)


vendredi 6 février 2009

C.III • 2 • Succès et fragilités des dispositifs

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |

Du point de vue qualitatif, il y a lieu de souligner un certain nombre d'éléments communs aux trois dispositifs, tantôt facteurs de succès, tantôt points faibles des dispositifs existants. Selon le point de vue que l'on adopte, le même thème peut d'ailleurs comporter à la fois des points positifs et négatifs.

a) Le principe du volontariat doit être considéré comme un point fort. Aucun établissement, ni aucun enseignant, n'a l'obligation d'adhérer à un dispositif d'éducation au cinéma. Il faut d'autant plus souligner qu'une fraction très significative du personnel enseignant a choisi de s'y associer, reconnaissant à l'un ou l'autre des systèmes à la fois leur valeur pédagogique et la qualité de leur organisation.

b) Ce volontariat s'accompagne de l’engagement personnel des enseignants dans une activité pour laquelle ils ont rarement reçu une formation préalable ; l'appel à des professionnels ou à des spécialistes de l'analyse de films est certes fréquent, mais toujours en accompagnement de l'enseignant responsable de sa classe. Il s'ensuit que les formations à l'intention des enseignants volontaires sont des éléments décisifs pour la prolongation et l'extension de l'éducation à l'image.

c) L'activité a lieu dans le temps scolaire : cela implique une prise en considération de l'éducation au cinéma aussi bien par les responsables de l'établissement que par les autres enseignants. Cela peut favoriser aussi, le cas échéant, une prise en charge par les collectivités territoriales. Toutefois, ce facteur positif a sa contrepartie, inhérente aux contraintes de fonctionnement de l'établissement. Pour le directeur d'école, le principal de collège, le proviseur de lycée, les dispositifs accroissent la complexité de l'organisation du temps scolaire, peuvent peser dans les relations avec les parents, ou dans les relations au sein du corps enseignant. On peut à cet égard s’interroger sur les effets de la réduction des horaires inscrite dans les nouveaux programmes, et même de l'inscription de nouveaux enseignements comme l'histoire des arts, sur le temps restant disponible pour les dispositifs dédiés au cinéma.

d) L'association entre l'établissement scolaire et la salle de cinéma, élément constitutif des trois actions, fait le lien entre l'intention pédagogique et « l'acclimatation » à une pratique culturelle. La salle de cinéma n'est plus seulement assimilée à un lieu de distraction, mais aussi à un lieu de découverte et d'enrichissement personnel. Même s'il n'est pas question de diminuer le mérite de la vision des films à l'intérieur de l'établissement, il est nécessaire que soit maintenu ce qu'on a appelé au début du présent rapport le «rituel de la séance».

e) Le choix des films fait l'objet d'un processus de sélection très attentif en même temps que consensuel entre les différentes catégories d'acteurs des dispositifs. Les listes sont à la fois variées et de grande exigence, et leur contenu est en fait peu discutable si l'on se place du point de vue de la culture classique du cinéma. De plus une grande attention est portée par le CNC à la qualité des copies, qui sont spécialement tirées pour la circonstance. Rappelons à ce propos que le CNC prend à sa charge la libération des droits de représentation pour les trois dispositifs. Toutefois ce choix fait débat. Si cette question a fait l'objet de remarques dans les analyses qui précèdent, c'est essentiellement pour deux raisons :

La première est la brièveté de la liste des films dans les trois cas. Si le choix des films pour les plus jeunes est nécessairement circonscrit, il semble néanmoins pouvoir être plus large que ce n'est le cas aujourd'hui. Pour les deux autres opérations, comment ne pas s'interroger sur la prescription d'une quarantaine de titres alors que la profusion est à la portée de tous ? Les collégiens et les lycéens sont parmi les spectateurs réguliers ou assidus du public du cinéma (selon les catégories de 4 à 6 fois par an). Ils s'échangent des DVD ou des fichiers, et ne se privent certainement pas de télécharger à volonté lorsqu'ils ont accès à une connexion rapide, comme le montrent les dernières études publiées, par exemple par l'ALPA. On rappellera à ce propos pour mémoire que selon l'enquête de l'observatoire de la VoD, diffusée récemment par le CNC, plus de 3.200 titres de films étaient téléchargeables sur les sites légaux répertoriés en mai 2008 !
La seconde est que la nature des titres choisis fait que certains enseignants peuvent répugner à s'engager dans une présentation de certains titres à leurs élèves, alors qu'eux-mêmes connaissent mal le film en cause, ne l'apprécient pas, voire ne le jugent pas adapté à leur «public». On peut craindre ainsi, soit que la projection ait lieu sans la moindre préparation ni retour sur la projection, soit que la séance prévue soit abandonnée. Peut-être même risque-t-on de nourrir le rejet d’un programme imposé de l'extérieur, considéré comme l’expression d’un nouvel «académisme», guère incitatif pour les enseignants comme pour les élèves.
Le film étant le matériau de base de toute éducation au cinéma, il semble donc nécessaire de trouver les moyens d'une plus grande ouverture dans l'élaboration des listes, dans la prise en compte des demandes des enseignants. Ceci suppose en conséquence d'ouvrir de nouvelles pistes pour assurer la disponibilité effective d'un plus grand nombre et d'une plus grande variété de titres.

f) L'organisation des dispositifs repose sur la conjonction de l'engagement des acteurs locaux et du travail d'encadrement et de logistique des structures de coordination aux niveaux départemental, régional et national. À cet égard les trois systèmes ont comme on l'a vu chacun leur particularité. Pour simplifier, on peut dire que «Les Enfants de cinéma» est celui des trois qui a développé la plus forte autonomie, et qui en a fait un axe de son action. «Collège au cinéma» demeure caractérisé par une forte implication des exploitants de cinéma, alors que le CNC joue un rôle important dans la coordination nationale. L'intervention du CNC en tant que structure nationale semble encore plus déterminante pour «Lycéens et apprentis au cinéma» ; elle est articulée sur un partenariat avec les collectivités territoriales et notamment les régions, et d'ailleurs incluse dans les conventions de développement cinématographique État-Régions.

Fort complexes dans leur organisation et fort ambitieux dans leurs objectifs, ils n'atteignent leurs buts que grâce aux organismes régionaux et locaux chargés de la coordination, et à la forte mobilisation de leurs animateurs. Ces résultats sont tributaires de trois facteurs qui doivent être présents de manière conjointe : le soutien des services du ministère de l'éducation nationale, du ministère de la culture et du CNC, l'intervention des collectivités territoriales, le professionnalisme des organismes nationaux et locaux de coordination. S'agissant de ces derniers, il faut remarquer que leur composition, leur nature juridique, leur fonctionnement interne, leur financement, sont d’une très grande diversité. Cela doit être considéré comme un facteur de solidité des dispositifs, à la condition que les orientations générales et les processus d'évaluation soient exprimées et conduits avec la plus grande vigilance.