Rapport Auclaire intégral (source CNC)


mercredi 4 mars 2009

A.IV • 1 • L'organisation du ministère de la culture pour le cinéma en région

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |

Proposition n°2 : Renforcer la relation entre le CNC et les Directions régionales des affaires culturelles.

L'articulation des compétences CNC/DRAC

La répartition des compétences relatives aux interventions culturelles des collectivités publiques dans le domaine du cinéma manque de lisibilité. C’est ainsi que l'intervention du CNC n'est pas intégrée dans le schéma classique administration centrale/services déconcentrés qui est celui des services de l’État.

En effet, en raison de son statut, le CNC n'a pas connu de processus de déconcentration comme les administrations centrales des ministères. Toutefois certaines de ses compétences ont bien été transférées aux DRAC (Directions régionales des affaires culturelles) à partir de 1999, en même temps que les anciennes délégations régionales du CNC ont été incorporées dans les structures des DRAC. Cette mesure visait trois objectifs : déconcentration des opérations et des moyens, collaboration de proximité renforcée avec les professionnels, unité d'intervention entre le ministère et le CNC. Les compétences transférées ont porté sur l'ensemble des questions culturelles et sur les relations avec les collectivités territoriales. Elles ont notamment donné lieu au transfert de la gestion des crédits déconcentrés relatifs aux «programmes jeunes» du CNC et des crédits inscrits dans les conventions avec les collectivités territoriales. Mais il a aussi été précisé que le rôle des DRAC devait rester complémentaire de celui du CNC.

La mise en place de ce dispositif doit être considérée comme une étape. Il convient désormais de procéder à une clarification des responsabilités de chacun, des relations entre services, et des conditions d'affectation des moyens. Si l'on considère les trois niveaux de décision qui sont normalement appelés à intervenir, on perçoit que les motivations sont inégales et l'articulation entre les processus d'intervention incertaine.


Les DRAC ne sont pas assez engagés dans les questions relatives au cinéma

Les conventions État/Région ayant été généralisées, on pouvait s'attendre à ce que les DRAC se saisissent de cette modalité d'intervention pour investir l'ensemble du champ du cinéma et de l'audiovisuel dans leur région. Toutefois, les négociations sont demeurées sous le contrôle du CNC, qui apportait les impulsions nécessaires dans les différents domaines abordés, notamment la production, et une partie des moyens financiers. L'impression demeure que certaines directions régionales semblent se tenir à l’égard du cinéma, «dernier arrivé» dans leur champ de compétence, sur une certaine réserve.

Les directeurs régionaux sont assistés par les conseillers cinéma, issus soit des anciens délégués régionaux du CNC, soit du concours de recrutement du corps des conseillers et inspecteurs de la création et de l'action culturelle (ICCEAC), soit encore de recrutements sur des emplois contractuels. Mais toutes les DRAC ne disposent toujours pas de postes de conseillers. Lorsqu’ils existent, ils sont parfois chargés de plusieurs secteurs culturels ou de plusieurs régions pour le cinéma. Ils ne disposent que de moyens de travail trop restreints par rapport à la variété des matières qu'ils doivent aborder, et ne peuvent guère être aidés en la matière par d'autres services de la DRAC en raison de la spécificité d'une grande partie des règles et des procédures applicables au cinéma.

En effet, le traitement des dossiers concernant le cinéma pose aux DRAC des problèmes spécifiques. Elles se trouvent face à des professionnels gérant le plus souvent des entreprises privées, dont l'objectif est autant économique que culturel. Elles doivent traiter des situations de concurrence et de marché dans lesquelles sont en jeu les stratégies des opérateurs nationaux, et pour lesquelles elles ne disposent pas de moyens d'études appropriés, alors qu’elles ne sont pas familières de ces questions. Par ailleurs, la question du cinéma est de plus en plus présente dans les projets des collectivités territoriales, mais cela tout autant selon une approche d'aménagement urbain ou d'équipement collectif que d'action culturelle. De ce fait, l'intervention des DRAC ne porte sur la culture dans le cinéma que de manière quasiment accessoire lorsqu'elles traitent de dossiers comme ceux qui sont soumis aux CDEC, ou de projets de rénovation de salles faisant appel aux financements du CNC. C'est seulement sur les questions portant sur le classement des salles Art & Essai, et surtout sur le soutien aux manifestations d'animation cinématographique et sur les dispositifs d'éducation au cinéma, que les conseillers cinéma peuvent se considérer dans une position comparable à celle de leurs collègues des autres disciplines.

Enfin, en matière financière, les DRAC disposent certes des crédits déconcentrés inscrits dans les différents programmes destinés à soutenir entre autres des activités du domaine du cinéma. Mais le volume de ces crédits dans le total des crédits gérés en DRAC est presque symbolique, comme il l'est par rapport aux crédits non déconcentrés gérés par le CNC. Cette situation ne contribue pas de toute évidence à mobiliser personnellement les directeurs régionaux dans cette matière.



Le CNC n’est pas assez impliqué dans la relation avec les DRAC

Du point de vue du CNC, on pourrait presque soutenir la thèse inverse de la précédente, et dire que l’action culturelle en matière cinématographique incombe désormais aux services régionaux du ministère de la culture. L’administration du CNC veille à la mise en œuvre des dispositifs nationaux et intervient auprès des opérateurs nationaux mais reste relativement neutre s’agissant des opérateurs locaux. Cette attitude peut être considérée comme logique au regard de la déconcentration, mais n’est guère incitative auprès des DRAC.

La présence des conseillers pour le cinéma auprès des DRAC ne suffit pas à elle seule à la compréhension et à la communication des actions du CNC au sein des directions régionales. Même si nombre de mesures prises par le CNC concernent des opérations dont l’effet est local, notamment dans le domaine de l’exploitation, les décisions importantes en matière de cinéma demeurent concentrées à Paris, non seulement pour ce qui est des pouvoirs publics mais aussi pour les décideurs du secteur privé. Le niveau de décision susceptible d’être pris en DRAC paraît donc relativement subalterne, ce qui ne motive guère la direction du CNC pour associer les directeurs régionaux à son action. Il manque donc à ces derniers une connaissance concrète des interventions du CNC, qui pourrait leur permettre de replacer leur action dans un cadre plus large, par exemple dans le domaine de la concurrence, dans la question de l'intervention des municipalités, ou dans celle de la circulation des copies dans les petites villes et les villes moyennes, demain en matière de projection numérique.



Le Ministère de la culture n’accorde pas à la culture cinématographique une place comparable à celle qu’occupe le cinéma dans l’ensemble de son action

Les interventions du ministère de la culture et de la communication dans le domaine du cinéma portent sur une variété de sujets plus vaste que sur la plupart de ses autres champs de compétence : financement des entreprises du secteur, concurrence et droit des marchés, relations avec les médias, crédit aux entreprises, fiscalité, exportation, nouvelles technologies, et toutes sortes d'autres sujets. Les questions relatives à la création et à la diffusion de la culture cinématographique sont également présentes, mais ne peuvent jouir d’une priorité particulière. Dans les interventions du ministère pour le cinéma il est donc plus souvent question de régulation économique que de tutelle des opérateurs culturels, d'encouragement à l'investissement des entreprises nationales que de relation avec les collectivités territoriales, d'enjeux internationaux que de dialogue avec les acteurs de terrain.

La politique du cinéma est traitée selon des problématiques globales, dans le cadre des relations avec les grands opérateurs de l’industrie de la communication et avec les cinématographies étrangères. Rares sont les manifestations publiques auxquelles le ministre associe des responsables politiques régionaux à ses déclarations ou à sa présence lors d’un événement cinématographique de niveau national.

En matière institutionnelle, il n'est pas besoin d'insister sur les multiples particularismes de la gestion du cinéma par le ministère de la culture. Le statut particulier du CNC, la réglementation professionnelle, le système quasi-unique en son genre de soutien au cinéma, incitent les représentants des pouvoirs publics à réserver un traitement spécifique à ce domaine. Au demeurant la plupart des professionnels ne demandent pas autre chose !

La différence d’approche entre le cinéma et le spectacle vivant, de la part des responsables du ministère ou d'autres institutions publiques, est illustrée par la présence ou non des directeurs régionaux dans les deux manifestations majeures de l'année. Chaque année se tient à Avignon en marge du Festival des rencontres auxquelles assistent les directeurs régionaux et nombre de leurs collaborateurs, aux côtés de nombreux responsables des collectivités publiques et des professionnels du spectacle. Rien de tel n’existe pour le cinéma. Alors que le Festival de Cannes est le théâtre de multiples rencontres professionnelles et politiques, que de plus en plus de responsables politiques nationaux ou régionaux viennent y faire connaître leurs initiatives en la matière, les directeurs régionaux sont absents et les conseillers cinéma pas tous présents.


Les conditions du rapprochement entre le CNC et les Directeurs régionaux des affaires culturelles

Les travaux conduits dans le cadre de la « RGPP » ont donné lieu à une décision de maintien de l'autonomie des DRAC au sein des administrations de l'État en région. Ceci suffit à confirmer que l'action régionale du CNC ne pourra que leur être de plus en plus largement transférée. Il est donc indispensable que le CNC joue pleinement à leur égard son rôle d'administration centrale et leur fournisse les éléments leur permettant de renforcer leur compétence dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel.

La première exigence est la mise à jour des règles qui régissent actuellement les relations entre le CNC et les DRAC. Ce serait l’occasion de donner une forte valeur symbolique au renouvellement des perspectives proposées aux Directeurs régionaux en matière de cinéma. Les études dont le rapporteur a eu connaissance tiennent compte des évolutions constatées au cours des années précédentes. On suggérera de prolonger la réflexion dans deux directions.

D'abord, confier des responsabilités plus étendues aux DRAC dans le fonctionnement des dispositifs d'éducation à l'image, de la même façon que l'on préconise une plus grande décentralisation de ces opérations pour les organismes de coordination, comme on le verra dans la partie consacrée à cette question. Un examen détaillé et concerté avec les représentants des Directeurs régionaux permettrait sans doute d’étendre la déconcentration à d'autres sujets. En second lieu, il y a lieu d’adapter les modalités de gestion des crédits du CNC lorsqu’ils sont affectés à l'animation culturelle en région. Lorsque le CNC intervient pour soutenir des manifestations ou des opérations régionales, inscrites ou non dans les conventions État/CNC/Régions, ces subventions demeurent gérées par les services du CNC à Paris. Certes le compte de soutien ne fait l'objet d'aucune déconcentration de sa gestion, que ses règles de fonctionnement ne prévoient pas. Mais s'agissant d'opérations d'ampleur très limitée au niveau national, bien que significative en région, il parait possible d'associer les Directeurs régionaux, sinon à la gestion comptable, du moins à la répartition et à la fixation du montant des subventions. Il suffirait, au moins dans un premier temps, de mettre en place une procédure de consultation préalable calquée sur les conférences d'arbitrage tenues chaque année à l'automne entre l'administration centrale du ministère et l'ensemble des Directeurs régionaux.

Mais l’amélioration du fonctionnement administratif de la déconcentration doit être prolongée par un acte symbolique auquel il faut donner une forte signification. Celui-ci devrait permettre d’associer les Directeurs régionaux, ainsi que les conseillers cinéma- audiovisuel, à un ou plusieurs événements marquants de la vie cinématographique. À titre d’exemple, il ne devrait pas être impossible de tenir, au moins un an sur deux, une réunion des Directeurs régionaux pendant le Festival de Cannes, ou débutant un jour plus tôt comme les Rencontres Art & Essai. D’autres manifestations s’y prêteraient aussi, certes dans un contexte différent, qu’il s‘agisse du Festival du cinéma d’animation d’Annecy, du Festival de La Rochelle, du Festival des Trois Continents à Nantes, du Festival du Court métrage de Clermont-Ferrand, du Festival Premiers Plans d'Angers, du FIPA de Biarritz, etc. Il parait enfin indispensable que le ministère et le CNC organisent, éventuellement dans le cadre évoqué ci-dessus, un séminaire annuel des Directeurs régionaux exclusivement consacré au cinéma et à l'audiovisuel. Ce serait l'occasion de présenter un bilan de l’action du ministère et du CNC, et de consulter les représentants régionaux de l'administration sur ces sujets. Cela leur permettrait aussi de rencontrer des professionnels de différents métiers afin de compléter leur information. Ce serait enfin un lieu où pourrait être mûrie, le cas échéant en présence d'élus locaux, une réflexion sur les progrès à accomplir en matière de politique de soutien à la culture cinématographique.