Rapport Auclaire intégral (source CNC)


vendredi 6 février 2009

C • II • Les dispositifs existants d'éduction à l'image : états des lieux | "Ecole et cinéma" |

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |


« École et cinéma »
Source: Évaluation nationale d'École et cinéma - année scolaire 2006/2007; document édité par "Les enfants de cinéma" (avril 2008)
  • 547.293 enfants inscrits en 2006/2007, soit 8,3% des effectifs scolarisés,
  • 23.785 classes dans 6.108 écoles, soit 11% des écoles du premier degré,
  • 2.800 communes, soit 8% des communes françaises,
  • 958 cinémas participants, sur 2.133 établissements cinématographiques en France,
  • 1.464.185 entrées scolaires, soit 2,7 entrées par élève, (soit à titre indicatif 0,87% des entrées France en 2007). Un examen plus fin des données fournies par l’association «Les enfants de ciném» conduit à formuler plusieurs remarques générales.


a) D'abord les données globales ne doivent pas masquer d'importantes disparités dans la couverture territoriale du dispositif. Ainsi, le taux de pénétration (nombre d'élèves inscrits par rapport au nombre d'élèves du premier degré) est-il très variable du département le moins engagé (Ain :1,3 %), au plus mobilisé (Creuse : 48,8%). D'une manière générale, les départements les plus peuplés présentent des chiffres le plus souvent inférieurs à 10% alors que des départements moins urbanisés participent plus fortement. À noter que le taux de pénétration de Paris est élevé (15,3%), de même que celui des Hauts de Seine (14,9%), alors que des départements de la périphérie parisienne comme le Val de Marne (7,1%)), ou la Seine Saint Denis (4,8%) enregistrent des taux plus modestes en dépit de l'activité importante des coordinations qui y sont implantées. On est tenté d'en conclure que le succès de l'opération dépend de facteurs multiples, comme l'implication des communes et des départements, les structures urbaines, la concurrence d'autres activités proposées aux enfants, donc de beaucoup d'éléments étrangers au cinéma proprement dit.


b) Depuis le lancement du dispositif, la courbe de progression est importante. C'est ainsi que le nombre d'élèves inscrits est passé de 70.000 environ pour l'année scolaire 1994/1995 à près de 550.000 en 2006/2007. Toutefois, il semble que le taux d'accroissement des effectifs d'enfants inscrits ait été réduit les deux dernières années, les animateurs des «Enfants de cinéma» devant faire face à l'insuffisance de leurs moyens matériels et du nombre d'animateurs disponibles. C'est ainsi que le nombre d'élèves, qui avait augmenté de 18,5% pour l'année scolaire 2005/2006, ne s'est accru que de 8,9 % en 2006/2007. L'association explique à cet égard qu'elle a préféré maintenir le niveau qualitatif de son action plutôt que poursuivre un développement quantitatif qui aurait pu se faire au détriment du contenu des activités proposées aux enfants.


c) Les structures de coordination : homogénéité et diversité
  • Plus de la moitié des 92 coordinations sont des établissements cinématographiques, qui sont en majorité des salles associatives ou municipales. Seules 13 coordinations sont assurées par des établissements privés.
  • L'autre part est constituée de structures diverses, surtout des associations spécialisées, mais aussi des MJC, des structures locales de la Fédération des œuvres laïques, et même un service communal et un autre relevant d'un Conseil général.
  • Mais au total, 80% de ces structures sont des entités associatives ou publiques relevant des communes.
  • 62% des salles participantes sont classées Art & Essai (on serait tenté de dire : seulement !).
  • Le statut des responsables de coordinations est quant à lui très diversifié : salariés - généralement uniques - d'associations spécialisées, collaborateurs de structures à compétences multiples chargés des tâches de coordination du dispositif, professeurs le plus souvent bénévoles.
Il convient de souligner que le dispositif ne pourrait fonctionner sans un bénévolat important.


d) La question du choix des films semble plus problématique. La liste des films proposés est désormais établie par une Commission nationale. Au terme de processus de sélection très démocratiques, qui font intervenir lors de séances de visionnage et de débats les coordonnateurs et certains intervenants, l'association nationale ainsi que le CNC, de nouveaux films sont choisis chaque année. Ils s'ajoutent à la liste préexistante, de laquelle sont retranchés des titres dont on estime qu'ils ont été suffisamment exploités ou qu'ils ne suscitent pas suffisamment d'intérêt de la part des enseignants. Cette liste comprend actuellement une soixantaine de titres, répartis entre des films destinés aux très jeunes enfants, et d'autres aux enfants en fin de cycle primaire. Elle comprend des films classiques et d'autres récents, de toutes origines, de fiction et d'animation. À première vue, il ne semble pas y avoir matière à contester le contenu de cette sélection qui est effectuée avec sérieux par des intervenants très compétents et motivés.



Trois observations s'imposent néanmoins en quelque sorte en marge de la liste.
  • Le nombre de films sélectionnés parait très limité et pose la question de « l'élitisme » ou de choix, esthétiques ou de sens, susceptibles de dérouter certains enseignants. Cette limitation des films (seuls ceux qui figurent sur la liste bénéficient de tirages de copies réservées à « École et cinéma ») est-elle la conséquence d'une position de principe, de la difficulté de gérer un trop grand nombre de titres avec un nombre limité de copies, ou d'une contrainte financière ? Le rapporteur conserve des doutes à cet égard, d'autant plus que l’on observe que certains films circulent fort peu alors que d'autres font l'objet d'une demande générale. Certes c'est le lot de tout programmateur de voir ses choix plus ou moins suivis. Mais dans cette situation, la bonne réponse n'est-elle pas de procurer un choix plus large aux enseignants plutôt que de se cantonner dans un volontarisme susceptible de freiner le développement de l'action auprès d'interlocuteurs moins fortement motivés ?
  • La limitation du nombre de films disponibles paraît encore plus forte si l'on considère leur adaptation aux âges des enfants. En effet, leurs capacités d'attention et d'adhésion aux films présentés varient très fortement d'une année sur l'autre. Selon le rapport d'évaluation, 10 films seulement sont accessibles au cycle 1, 34 films au cycle 2 et 50 films au cycle 3. Dès lors on ne doit pas s'étonner de la forte concentration des résultats sur quelques titres : environ 50 000 spectateurs sur les burlesques américains, 61 000 pour « Jason et les argonautes », 57 000 pour « Peau d'âne » ; en revanche 600 pour « Le voleur de Bagdad », 3 300 pour « Le voleur de bicyclettes », 3 800 pour « Ponette ». On arrive ainsi au résultat paradoxal que les 12 films les plus vus par les classes (1/5 du catalogue) représentent près de 40 % des entrées du dispositif, reproduisant le phénomène de concentration de la fréquentation tant décrié par ailleurs! On peut naturellement admettre ce constat comme un fait objectif qui traduit les préférences spontanées des programmateurs des coordinations départementales et des enseignants eux-mêmes ; on peut aussi considérer que la répétition des mêmes films peut faire naître une certaine lassitude et le risque d’une routine chez les enseignants, et devrait inciter à la vigilance.
  • Enfin le nombre restreint de distributeurs concernés peut donner l'impression que l’opération demeure par trop circonscrite parmi les spécialistes. Cette observation doit toutefois être tempérée par le constat qu'un nombre trop limité de distributeurs porte attention au cinéma destiné au jeune public, en particulier aux films pour les enfants des classes maternelles et du début du primaire.



e) La question de la formation des enseignants des classes d'accueil du dispositif donne lieu à un large consensus : elle est une nécessité impérative et une condition essentielle de succès, elle est très nettement insuffisante. La Rencontre nationale annuelle des coordinateurs, si elle est nécessaire et si elle a une fonction de formation, peut déjà être considérée comme un minimum à ce niveau. Quant aux enseignants, on note qu'en moyenne 22 heures de formation ont été dispensées par département, dont la moitié dans le cadre des Plans académiques de formation. Ce serait déjà modeste si le public concerné possédait au départ une connaissance étendue du cinéma. Mais ce qui fut le cas pour la génération issue des ciné- clubs dans les années 60/80 n'est plus vrai aujourd'hui. Plusieurs témoins signalent que bien des enseignants font preuve d'un grand intérêt pour le dispositif en même temps que d'une culture très superficielle en la matière. Ne connaissant pas la majorité des films disponibles, ils se contentent des titres les plus évidents et atteignent vite les limites de leur capacité à préparer les enfants à ce qu'ils vont voir. Le soin mis aux documents d'accompagnement, et la qualité du site internet des « Enfants de cinéma » ne suffisent pas à compenser cette lacune. Comme la demande de formation existe, il s'agit ici d'une question de moyens. On verra qu'elle se pose dans des termes voisins pour les deux autres dispositifs.



f) Le financement du dispositif « École et cinéma » fait appel à des ressources de toutes natures, mais les apports principaux proviennent des collectivités locales et des services déconcentrés de l'État, ainsi que du CNC. On ne doit pas pour autant sous-estimer la participation des familles, ni l'impact du bénévolat ; bien que non chiffrés, ces apports sont indispensables à la pérennité du dispositif.
  • La participation des collectivités locales est déterminante, mais prend des formes très variées. Elle s'exerce d'abord à travers l'engagement des communes dans le fonctionnement des établissements cinématographiques. Mais elle est surtout essentielle pour la prise en charge du transport des élèves où la contribution de la commune ou de la communauté de communes vient relayer ou compléter l'intervention de la coopérative scolaire ou celle des parents (qui participent dans 32 % des cas). Quant aux autres financements, il s'agit de subventions de fonctionnement des communes, des départements, de l'État. On peut relever en particulier qu'un nombre croissant de départements participe à la prise en charge partielle du prix du billet.
  • Quant aux financements de l'État, il s'agit soit des subventions versées par les DRAC, soit de crédits dégagés par les services rectoraux au titre des PAC (Projets artistique et culturels), mais aussi des AEI (Actions éducatives innovantes), ou des APA (Ateliers de pratique artistique). S'ajoutent à ces contributions des services déconcentrés les subventions versées par le CNC aux structures nationales.
  • Compte tenu de la diversité des sources de financement et des actions de terrain, une estimation globale du coût du dispositif n'est pas disponible actuellement. On peut néanmoins considérer que par rapport aux résultats obtenus, l'opération « École et cinéma » présente sans doute un bilan favorable grâce à l’engagement de très nombreux participants, des enseignants bénévoles aux parents d'élèves, des professionnels aux collectivités locales et aux services de l’État.