Rapport Auclaire intégral (source CNC)


samedi 7 février 2009

B.III • 3 • "Passeurs d'images" : action sociale et cinéma ?

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |


«Passeurs d’images» est une opération d’abord créée voici une quinzaine d’années sous le titre «Un été au ciné-Cinévilles», et dont l’objet est double, ainsi que l’indiquait le titre initial. S’il s’agit bien de diffuser des films dans l’intention de faire connaître et apprécier le cinéma, il s’agit aussi de contribuer à l’animation socioculturelle des quartiers, en particulier dans les zones défavorisées. C’est pourquoi l’opération a été soutenue non seulement par le ministère de la culture et le CNC mais aussi par les ministères chargés de la jeunesse, de la ville, des populations en difficulté. On ne peut donc en juger qu’à travers ce double filtre. De même on ne saurait sans dénaturer le projet initial en faire une action spécifiquement dédiée à l’éducation au cinéma ni à la diffusion culturelle du film.

Sous cette réserve, il semble que le dispositif «Passeurs d’images» obtienne des résultats très significatifs, qu’on en juge selon les documents fournis par l’opérateur aussi bien que par les témoignages recueillis auprès d’interlocuteurs administratifs ou institutionnels. L’association «Kyrnéa international» en est chargée par une convention triennale avec le CNC, renouvelable en 2010. Elle est chargée de la coordination nationale, et agit en tant que centre de ressources pour les organismes locaux participant au dispositif. À ce titre elle assure également les tâches de communication entre ses correspondants locaux ainsi que la promotion nationale du dispositif, notamment par la gestion d’un site internet. L’association a développé une activité importante en faveur des publics dits «empêchés» ; elle a élaboré une liste de films dont elle a négocié les droits pour l’organisation de séances en plein air ; enfin elle a noué des relations avec plusieurs partenaires à l’étranger, notamment dans le cadre européen.

On peut notamment retenir dans le bilan chiffré de «Passeurs d’images» un réseau de 2.000 partenaires dont plus de 300 salles de cinéma, actif dans environ 500 sites sur l’ensemble du territoire, la diffusion d’environ 200 films, majoritairement recommandés Art & Essai, l’organisation de plusieurs centaine d’ateliers de d’initiation. L’opération est créditée de 260.000 participants en 2007, soit à une séance de cinéma, soit à une autre activité telle qu’une formation. On peut toutefois noter que selon les données fournies par l’opérateur, les actions de «Passeurs d’images» demeurent inégalement réparties sur le territoire. Le budget de Kyrnéa international était de 550.000 € en 2007, dont 250.000 attribués par le CNC, le reste provenant d’autres administrations, principalement en charge de l’action sociale et de la ville.

L’opération «Passeurs d’images» recueille des appréciations positives de la part du CNC, des conseillers cinéma des DRAC, ainsi que des partenaires auxquels la question a été posée. Cette opinion se fonde sur le dynamisme des animateurs de l’association, sur la diversité des actions engagées, sur la qualité de la relation qu’elle permet d’établir avec des publics généralement peu touchés par le spectacle cinématographique. Sur ce constat, il paraît donc légitime que le soutien accordé par les collectivités publiques à «Passeurs d’images» soit reconduit.

En revanche, il apparaît que la spécificité de cette opération la place dans un champ d’action différent de celui de la présente étude. Son objet principal est d’atteindre ou de retrouver des catégories de public qui se tiennent à l’écart du cinéma, ou qui s’en sont éloignées. La programmation proposée n’a pas pour objet premier de fournir une initiation au langage cinématographique, ni d’explorer des œuvres ou des genres méconnus. Faisant une large place aux séances en plein air, elle ne repose que de manière accessoire sur les salles de cinéma. Elle ne s’appuie pas non plus sur la médiation des enseignants, mais plutôt sur la présence d’animateurs culturels spécialisés. Elle est enfin pour une large part saisonnière. Certes l’association «Kyrnéa international» est proche de nombreuses associations régionales chargées de missions de coordination des dispositifs d’éducation au cinéma, qui relaient son action. Cela ne peut qu’être encouragé. Mais cela ne suffit pas pour en faire un instrument du développement de la politique d’éducation au cinéma voulue par les pouvoirs publics. C’est pourquoi il ne paraît pas fondé de formuler une recommandation particulière à l’égard de «Passeurs d’images» dans le cadre de cette mission.