Rapport Auclaire intégral (source CNC)


vendredi 6 février 2009

C • II • Les dispositifs existants d'éduction à l'image : états des lieux | "Lycéens et apprentis au cinéma" |

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |


« Lycéens et apprentis au cinéma »
Source: Bilan national "Lycéens et apprentis au cinéma" - CNC - juillet 2008.

Le CNC a publié en 2008 un nouveau bilan du dispositif «Lycéens et apprentis au cinéma». Pour ce qui est de la description générale du dispositif on renverra à la lecture de ce document très complet. Le cahier des charges et les différentes instances créées pour gérer et superviser le dispositif laissent peu de choses dans l'ombre et établissent de manière complète la position et les responsabilités de chacun des participants.

La présentation des résultats est quant à elle très positive. L'impression qui en ressort est double : d'une part les résultats sont convaincants par leur ampleur, leur répartition sur le territoire, l'engagement de multiples acteurs, la progression continue depuis la mise en place du dispositif. Mais celui-ci demeure lourd en raison de la complexité de toute intervention éducative, de la multiplicité des structures, de l'exigence des opérateurs de terrain de préserver un niveau élevé de culture cinématographique. Les données reproduites ci-après fournissent les éléments généraux d'appréciation de « Lycéens et apprentis au cinéma » :


Tableau 8



Rapportés aux données d'ensemble relatives aux Lycées de toutes catégories et aux établissements de formation des apprentis les résultats pour l'édition 2005-2006 sont les suivants:
  • 25 régions participantes: 22 régions métropolitaines + 3 dom (Réunion, Guadeloupe, Guyane) ;
  • 226.970 lycéens et apprentis inscrits, soit 8% des 3.020.417 lycéens et apprentis français ;
  • 8.524 enseignants inscrits, soit 3% des 310.855 professeurs des lycées et formateurs des CFA exerçant en France ;
  • 1.878 établissements scolaires participants, soit 29% des 6.505 lycées et CFA en France ;
  • 773 établissements cinématographiques participants, soit 36% des 2.176 établissements cinématographiques en activité en France ;
  • 28 films dont 2 programmes de courts métrages, 10 films américains, 12 films européens dont 8 films français, 5 films d’autres cinématographies, 1 programme de courts métrages multinational ;
  • 526.985 entrées soit 2,3 séances par élèves ;
  • Formation des enseignants: prévisionnements organisés dans 22 régions, Stages de formation organisés dans 24 régions, Stages inscrits au PAF dans 17 régions ;
  • Accompagnement pédagogique des élèves : 2.564 interventions organisées dans 17 régions pour 68.363 élèves concernés par des rencontres avec des intervenants, soit 30% des inscrits.
Remarques

a) De grandes disparités existent entre régions et entre catégories d'élèves. En ce qui concerne les régions le taux de participation varie de 2,3% à 22%. Certaines régions, notamment l'Île de France et l'Alsace ont connu des progressions spectaculaires en 2005/2006. Toutefois d'autres enregistrent une diminution des inscrits. Il est permis de voir dans ces évolutions l'indication de l'importance du volontarisme des opérateurs et de la fragilité du système lorsque l'un des éléments connaît une baisse de motivation ou de moyens. Par ailleurs, la disparité est également très forte entre lycéens et apprentis : 98% des inscrits sont lycéens, seulement 2% apprentis alors que ceux-ci représentent 12% des effectifs concernés.

b) La liste des films proposés semble là encore bien limitée. Elle est évidemment d'une grande qualité, et l'on imagine que la Commission nationale chargée de la sélection est le lieu de débats intenses. Il faut aussi saluer le fait qu'elle est renouvelée régulièrement. Toutefois, un choix de 28 films paraît bien restreint, surtout pour une catégorie d'âge qui a sans doute déjà une grande liberté de fréquentation autonome du cinéma, peut-être en salle mais plus encore probablement grâce à internet et à l'échange des fichiers.

Comme on l'a rappelé précédemment, les lycéens appartiennent à la tranche d'âge qui est encore aujourd'hui l'une des plus assidues au cinéma. Sans doute le cinéma au lycée, par le choix de films qui ne seraient pas choisis spontanément et dont certains ne sont plus programmés par le marché, offre un contrepoint utile à la sortie en salle qui s'apparente plus souvent à la distraction qu'au désir de culture. On peut estimer néanmoins que l'étroitesse de cette liste ne favorise pas le développement du dispositif auprès de certains animateurs ou même de certains élèves, et qu'elle peut paraître à certains peut-être trop élitiste. Sous réserve de résoudre les questions de droit et de financement, il y aurait avantage à l'ouvrir beaucoup plus largement. Cette hypothèse s'appuie également sur le constat que la programmation des films au sein de la liste est très inégale, et par conséquent leurs résultats. Il arrive même que certains films, selon le rapport du CNC «ne rencontrent pas l'adhésion de certains enseignants», et de ce fait ne sont pas programmés.

c) En ce qui concerne les établissements cinématographiques participants, sur les 773 recensés, qui représentent environ un tiers du parc total, 60% sont classés Art & Essai, soit 464 lieux classés. Comme le classement a bénéficié en 2005 à 1.046 établissements, cela signifie que plus de la moitié d'entre eux ne sont pas participants ; il y a là une marge de progression à explorer. Par ailleurs 6% des établissements inscrits sont des multiplexes. Curieusement, le taux de participation des établissements des régions au nord de la Loire est en moyenne nettement supérieur à celui de la partie sud du territoire, sans que l'on puisse attribuer une cause à ce phénomène. Là aussi une progression devrait être possible.

d) L'objectif affiché pour le dispositif est que les lycéens assistent à trois séances dans l'année, ces séances étant préparées et programmées selon un processus visant un progrès des connaissances cinématographiques. En réalité, le chiffre moyen est plus près de 2 (2,3). Seule une région atteint ou approche les trois séances, plusieurs n'affichant que moins de deux séances annuelles en moyenne. On conçoit aisément les difficultés auxquelles se heurtent animateurs et enseignants à cet égard, s'agissant de classes d'examen, ou pour les apprentis de jeunes poursuivant leur formation en partie hors des lieux scolaires. On doit toutefois souligner que si le dispositif ne parvient pas à un niveau suffisant d'intensité, il risque aussi de perdre une partie de son sens, les deux séances annuelles se rapprochant alors des sorties scolaires d'antan. Sans doute, au-delà des péripéties particulières à une classe ou un établissement, conviendrait-il de fixer un seuil minimal en deçà duquel l'établissement ne serait plus considéré comme participant.

e) La question de la formation des enseignants est aussi cruciale pour «Lycéens et apprentis au cinéma» que pour les autres dispositifs. Ainsi que le signale le rapport du CNC : «D’une manière générale, les enseignants sont très demandeurs de formations qui leur apportent informations et pistes pédagogiques pour la préparation de leur travail en classe. L’idéal serait que chaque enseignant puisse participer à une formation sur chacun des films.» Il est également noté que : «Le manque de formation est sans conteste un danger pour la pérennité du dispositif car il se ressent dans la réception de certains films par les enseignants, qui hésitent de plus en plus à accepter des films dit "difficiles" ou réputés tels par leur sujet ou par leur forme. D’autre part, il faut rappeler que compte tenu de l’évolution démographique, près de la moitié des enseignants seront remplacés d’ici 2015. Toute une génération de professeurs cinéphiles va partir à la retraite, et se pose la question de la formation initiale au cinéma et à l’audiovisuel des nouveaux enseignants.» Ce constat est préoccupant. Les formations ne sont pas systématiquement organisées comme prévu dans les cahiers des charges. Elles ne sont prises en charge par les rectorats dans le cadre des «Plans Académiques de formation» (PAF) que dans 9 régions sur 17. Tous les enseignants inscrits n’y sont pas présents, notamment en raison du nouveau régime des remplacements obligatoires. Enfin une bonne part de ces formations se cantonnent à l’analyse des films au programme. À l’évidence il s’agit là d’une question cruciale pour le maintien et le développement des dispositifs.

Le système «Lycéens et apprentis au cinéma» comporte également un nombre significatif d’opérations d’accompagnement des élèves, puisque 30% d’entre eux en moyenne y participent. Cela permet d’observer à cette occasion les différences d’approche existant entre certaines régions, et donc certains coordinateurs. C’est ainsi que 87% des élèves ont été mis en présence d’intervenants professionnels en Languedoc-Roussillon, alors que cette région n’enregistre qu’un taux de participation relativement faible des établissements et des élèves au dispositif. D’une manière générale, enseignants comme élèves apprécient ces opérations qui leur permettent de rencontrer des jeunes professionnels du cinéma, des critiques et des universitaires. Il y a lieu de noter à ce propos que cela représente plusieurs milliers de journées pour les intervenants professionnels.

Il faut signaler que les actions d’accompagnement comprennent aussi la mise à disposition des documents pédagogiques, qui sont semble-t-il reçus de manière très favorable par les enseignants comme par les élèves.

f) S’agissant enfin des structures régionales de coordination, on observe une grande variété. Il s’agit d’associations régionales, particulièrement celles qui sont constituées autour de réseaux de salles classées Art et Essai, mais aussi de structures relevant d’organisations nationales comme la Ligue de l’Enseignement, ou relevant des collectivités territoriales telles que Centrimages (Centre) ou l’ADCAP (Picardie), voire de certains services administratifs. Cette solution pragmatique semble faire preuve d’efficacité. Elle peut favoriser l’apparition de fortes disparités d’une région à l’autre, mais cela peut être considéré comme légitime dès lors que chaque structure dispose des compétences nécessaires. Au fil des années, ces structures se renforcent, reçoivent de nouvelles missions et obtiennent des moyens supplémentaires des conseils régionaux ; elles ont pour la plupart acquis en ces matières un savoir-faire professionnel incontestable. On ne peut dès lors que se demander s’il n’y a pas redondance entre la coordination nationale et celle qui est opérée au niveau régional.

g) Selon le protocole conclu le 4 décembre 2006 entre le CNC et le ministère de la culture et de la communication, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’agriculture, le CNC est chargé de la coordination du dispositif en liaison avec les représentants des ministères concernés. À ce titre il assure de multiples fonctions qui vont de la validation de la programmation des films jusqu’à la conception des documents pédagogiques en passant par la prise en charge du tirage des copies et les accords avec les distributeurs et les exploitants. En outre, le CNC nomme la Commission nationale qui est réputée coordonner le dispositif et en assure le fonctionnement et le secrétariat. Cette centralisation extrême pouvait être justifiée dans la période de lancement ; elle ne l’est sans doute plus autant après dix ans d’activité. De plus, en tant qu’intervenant direct dans le fonctionnement du dispositif, le CNC n’est plus en mesure d’exercer le rôle essentiel qui lui incombe, et qui porte sur la définition et le suivi du système, l’attribution des moyens financiers et techniques requis, le contrôle et l’évaluation des résultats. Certes le bilan établi par le service compétent du CNC est de grande qualité, mais il ressemble plus à un compte- rendu d’exécution qu’à une évaluation. À terme, on peut craindre que cette confusion des rôles conduise à un affaiblissement du dispositif, soit par un effet de « thrombose », dû à la surcharge du service, soit par l’installation de routines administratives.