Rapport Auclaire intégral (source CNC)


mercredi 4 mars 2009

A.II • 1 • Le nouveau public du cinéma

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |


Sur une longue période, il semble à première vue que le public du cinéma soit relativement stable. Il n’en n’est rien, comme le montre une étude publiée par le CNC, intitulée "Évolution du public des salles de cinéma - 1993/2007", qui fournit un ensemble de données nouvelles sur les comportements collectifs des spectateurs. Certains éléments mettent en évidence des facteurs d'évolution importants de la composition du public des salles de cinéma ; d'autres semblent justifier des analyses nuancées sur certains aspects de cette évolution. Pour la présente étude, on en retient les éléments qui suivent.



La stabilité relative de la pratique du cinéma en salle

L'évolution du nombre moyen d'entrées annuelles par spectateur est positive, de 4,6 à 5,1 entrées (+ 10,8 %) entre 1993 et 2007, mais peu significative. L'année 1993 fait en effet partie de cette décennie 1987/1997 qui a vu une succession de résultats nationaux inférieurs à 150 millions d'entrées, jusqu'au redressement constaté à partir de 1998 qui semble se maintenir bon an mal an depuis lors. L’explication la plus courante de ce redressement réside dans la création de multiplexes et leur implantation dans les points clés du territoire. Il faut aussi la rechercher dans l’augmentation du nombre de films offerts sur le marché, principalement des films français et européens.


Si l'on observe le taux de pénétration cinématographique, estimé non pas sur la base de statistiques de fréquentation mais à partir de l'enquête Médiamétrie "75.000 Cinéma", on note que ce chiffre a augmenté modérément. Mais comme pour le nombre des entrées par spectateur, il faut pondérer avec l'augmentation d'un tiers du total des entrées entre la première et la dernière année de la période observée. Si l'on prend pour référence des années de fréquentation comparable, par exemple 1998 et 2007, on voit que ce taux, comme d'ailleurs le nombre moyen d'entrées, montre une certaine stabilité (cf. tableau). C'est donc bien la variation de la composition du public qu'il faut analyser pour mieux identifier les enjeux futurs.





La transformation de la répartition des spectateurs selon l’âge.

L'examen des données relatives aux tranches d'âge fait apparaître des modifications importantes de la structure du public du cinéma. Comme ces changements sont liés à la démographie, ils entraînent des conséquences durables.

On observe d'abord un phénomène préoccupant, la baisse importante du taux de fréquentation de la tranche 25/34 ans (- 14 %), alors que cette catégorie fournissait naguère une part importante du public. Selon l'enquête, 14,7 % des spectateurs de 2007 ont entre 25 et 34 ans, contre 17,1 % en 1993. La part des 25-34 ans a progressé entre 1993 et 1997 jusqu'à atteindre 20,5 % des entrées, pour décroître les années suivantes. En 2007, 12,3 % des entrées sont générées par cette tranche d’âge. Pour ce qui est des moins de 25 ans, leur part baisse en quinze ans de 21,5 % dans la population cinématographique et de 18,3 % dans le total des entrées. Ceci est surtout dû au comportement des 15/25 ans, alors que la situation est moins défavorable pour les moins de 15 ans. Au contraire pour la tranche 6/10 ans, tous les paramètres sont positifs, même si les taux de fréquentation demeurent largement inférieurs à la moyenne !

L'un des principaux faits nouveaux est l'augmentation du taux de fréquentation pour toutes les tranches d'âge à partir de 50 ans. Pour certaines catégories, telle celle des 50/59 ans, l'accroissement est même supérieur à 50 %, donc bien au-delà de l'évolution globale de la fréquentation. C'est donc la catégorie des "seniors" (50 ans et plus) qui affiche de bons résultats pour le cinéma et contribue à maintenir les chiffres d'entrées à un bon niveau. On peut y voir entre autres causes l'effet d'une fidélité au cinéma de la part des spectateurs assidus des années 70/80, en quelque sorte un effet de génération. Par ailleurs la progression de leur place dans la population totale se traduit mécaniquement par l’accroissement de leur part dans le public des salles de cinéma. Composant 38,5 % de la population française en 2007 contre 32,6 % en 1993, les seniors représentent 29,5 % de la population cinématographique au lieu de 18,2 % en 1993. Ils assurent 28,3 % des entrées en salles en 2007 contre 14,3 % en 1993. Le nombre moyen d’entrées annuel des seniors atteint aujourd’hui un niveau proche de la moyenne nationale, parfois même plus élevé.

Les trois diagrammes reproduits ci-après rendent compte des éléments fondamentaux de ces évolutions.








Au regard de l'objet de ce rapport, l’évolution de l’âge des spectateurs conduit à souligner trois éléments :


  • Les tranches d'âge «stratégiques» des 11/25 ans sont les cibles des dispositifs d'éducation à l'image ainsi que des actions de promotion culturelle du cinéma. Mais elles constituent les parties les plus fragiles du public, celles qui sont le plus sensible au pouvoir d'attraction de la consommation médiatique et aux nouvelles technologies.
  • Les enfants les plus jeunes voient leur part grandir légèrement dans le public du cinéma ; toutefois la présence de l'encadrement pédagogique et parental est une condition impérative de leur présence dans les salles.
  • La forte présence d'un public d'âge mûr pourrait s'avérer favorable à une programmation moins sujette aux effets de mode (pour ne pas dire aux effets spéciaux !) et plus attentive aux films classiques et au répertoire ; il s'agit d'un public qui est souvent sensible à une approche conviviale et informative du cinéma comme des loisirs culturels en général.