Rapport Auclaire intégral (source CNC)


vendredi 6 février 2009

C • II • Les dispositifs existants d'éduction à l'image : états des lieux | "Collège au cinéma" |

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |
«Collège au cinéma»
Source: Bilan national 2004/2005 - Collège au cinéma - CNC
 

Le dispositif "Collège au cinéma" est le plus ancien des trois actuellement en vigueur, puisqu'on vient de célébrer sa vingtième année d'existence. Pour les exploitants de salles, il s'agissait de répondre à une double motivation. D'abord rétablir un lien entre la salle de cinéma et les enfants au collège, à l'âge où se constitue l'habitude d'aller au cinéma ; ensuite attirer un nouveau public en salle à une époque où la fréquentation se dégradait fortement. Pour les responsables publics, il s’agissait d’introduire le cinéma dans les cursus scolaires le plus tôt possible, comme l’un des éléments essentiels de la culture contemporaine. Afin de concilier les différentes préoccupations il a fallu innover dans la gestion du temps scolaire, puisqu'on introduisait une activité qui n'était pas à strictement parler dans les programmes. Il a fallu aussi surmonter de fortes réserves puisque l'essentiel de cette activité, c'est à dire la vision des films, se déroulait dans un lieu extérieur à l'établissement scolaire, à statut commercial et avec des séances payantes. De même les professionnels ont dû modifier leurs pratiques pour mettre à la disposition du système des films exigeant une programmation spécifique avec des séances spéciales pour les classes, et ce à un tarif réduit.

Comme le dispositif "Collège au cinéma" a servi en quelque sorte de matrice, il parait utile de rappeler brièvement sa structure et son mode de fonctionnement. Il s'agit d'abord d'un système à trois étages.
Une instance nationale, la Commission nationale « Collège au cinéma », présidée par le CNC qui en assure aussi le suivi, est chargée de veiller au fonctionnement du dispositif et à son évolution ; elle est aussi chargée du choix des films.

Au niveau départemental, des compétences de même nature sont dévolues à un Comité de pilotage départemental. Celui-ci est notamment en charge du choix des films effectivement disponibles dans le département et des actions d'accompagnement. Un coordinateur départemental est quant à lui chargé de la prospection des établissements participants, de leur bonne insertion dans le dispositif, de la circulation des copies et des documents d'accompagnement, de la mise en œuvre des actions de formation, enfin de l'évaluation.

Au niveau local, les collèges et les salles participantes s'engagent conformément au cahier des charges. Pour les collèges, il s’agit que chaque élève participe à trois séances pendant l'année scolaire, et que les enseignants qui les accompagnent assistent aux séances de prévisionnement des films sélectionnés par le comité départemental. Pour les exploitants des salles, il s’agit de veiller à la qualité des projections et au bon déroulement de la séance, au bon état et à la circulation de la copie dont ils prennent en charge les frais de transport. Ils s'engagent aussi à pratiquer une tarification spéciale fixée actuellement par le cahier des charges à 2,50 € par élève et par séance, les enseignants bénéficiant de la gratuité.

Un bilan fort complet de l'opération a été publié en 2007 par le CNC pour l'année 2004/2005, dont les éléments qui suivent sont extraits.

- Les départements : en 2005, 88 départements seulement ont participé à l'opération, ce qui ne manque pas de surprendre pour un dispositif installé depuis vingt ans. D’un département à l’autre, la proportion d’élèves inscrits au dispositif varie considérablement. 45 départements se situent au-dessus de la moyenne nationale, 36 en dessous. Dans 57 départements, plus de 50% des établissements participent au dispositif, et même 100% dans 4 départements. Il est à noter que Paris et les départements de la couronne parisienne figurent parmi ceux où le taux de participation est inférieur à la moyenne. Au total, en 2004-2005, 1 collège sur 2 en France participait à l’opération, ce qui témoigne à la fois de la bonne implantation du dispositif et du chemin qui reste à parcourir. Sur les 3.380 collèges inscrits, 2.888 (85%) sont des collèges publics et 492 (15%) sont des collèges privés.

- Les élèves : en 2004-2005, 518 330 collégiens ont participé à «Collège au cinéma», soit 16,5% des 3.142.985 collégiens recensés au niveau national. Ces 518.330 élèves représentent 20% des 2.653.646 collégiens scolarisés dans les départements participants. L’opération touche une majorité d’élèves de 6e/5e (274.950 collégiens de 6e/5econtre 243.380 collégiens de 4e/3e).

- Les enseignants : les participants au dispositif étaient en 2005 au nombre de 17.724, soit 7,2% des 245.138 enseignants de collège exerçant en France, et près de 9% des 206.790 enseignants de collège des départements concernés. Toutefois on note d'importants écarts entre départements, le taux de participation des enseignants variant de 1 à 30%.

- Les établissements cinématographiques : pour l’année scolaire 2004-2005, 1.066 établissements cinématographiques ont ouvert leurs salles aux collégiens du dispositif, soit 50,1% des 2.127 cinémas en activité en France et 56% des 1.904 cinémas présents dans les 85 départements participants. Les cinémas classés Art & Essai représentent 60% des cinémas participants. Le pourcentage de cinémas d’art et essai participant au dispositif est supérieur à la part de 48% que représente ce type d’établissements dans le parc global. Le taux de participation des cinémas est supérieur à 50% dans 65 départements. Là encore Paris se distingue par son faible taux de participation, de 18% des établissements existants.

- Les entrées : le dispositif attire un nombre important de spectateurs. En 2004-2005, les 519.330 élèves participant à «Collège au cinéma» ont généré 1.269.607 entrées, soit environ 1% des 131.409.960 entrées réalisées toutes séances confondues dans les cinémas des départements participants. Dans huit départements, les entrées « Collège au cinéma » représentent plus de 5% des entrées totales. Toutefois ces chiffres d'entrées demeurent inférieurs au potentiel théorique mesuré par le nombre d'élèves inscrits. En effet, le niveau réel de fréquentation, de l'ordre de 80%, demeure inférieur à l'objectif de trois entrées par élève.

- En ce qui concerne la programmation, 37 films, auxquels il faut ajouter un programme de courts métrages, étaient inscrits au dispositif en 2004-2005. Le rapport du CNC apporte un éclairage intéressant sur la manière dont cette liste est perçue par les enseignants à travers les comités de pilotage départementaux. En dépit d’un haut niveau de satisfaction à l’égard des films proposés, certains comités de pilotage souhaiteraient un rééquilibrage par exemple au profit des films français, des comédies, des films de genre ou d'autres cinématographies. Des enseignants expriment également leur souhait de voir inscrits plus de films récents dans le dispositif. Sans remettre en cause la qualité des films proposés, certains enseignants jugent certains films trop sombres, trop difficiles, ou traitant de sujets trop sensibles. C'est ainsi par exemple que des films comme L'été de Kikujiro, Stand by Me, ou même Zéro de conduite ont suscité des réactions de méfiance, voire de rejet, de la part de certains enseignants, qui ont jugé ces films mal adaptés au public concerné.

Les résultats par film montrent une grande dispersion :
10 films, dont 4 films français, concentrent à eux seuls pratiquement la moitié des entrées :
Les Temps modernes.... 80.447 entrées........
Le Mystère de la chambre jaune.... 64.749 entrées........
Au revoir les enfants..... 61.675 entrées........
Billy Eliot..... 59.715 entrées........
O’Brother.... 50.468 entrées........
Princesse Mononoke.... 49.900 entrées........
Le Gône du Châaba..... 47.715 entrées........
Yaaba.... 45.888 entrées........
Le Caméraman.... 44.658 entrées........
Himalaya, l’enfance d’un chef..... 43.126 entrées........


- Enfin les actions d'accompagnement, notamment les prévisionnements, que chacun reconnaît comme indispensables, ne sont pas jugées assez nombreuses, et surtout pas assez suivies. On ne dispose d'informations que pour 68 départements sur 88 en 2004/2005, parmi lesquels 11 départements n'ont organisé aucune séance de prévisionnement. De plus on constate une faible participation des enseignants à ces séances. Cette situation conduit parfois à la suppression pure et simple des prévisionnements lorsque les effectifs présents sont trop faibles. Ce constat met en évidence l'importance de la motivation de tous les participants pour le succès de l'opération. Cette motivation semble dépendre non seulement de facteurs liés à la disponibilité personnelle des enseignants ou aux conditions d'organisation des séances, mais aussi au contenu de la sélection des films et à la place reconnue aux acteurs "de base" du dispositif que sont les enseignants.



Au vu de ces éléments, on peut formuler les observations suivantes

a) Bien que le dispositif ait été lancé depuis vingt ans, 10 départements n'y participaient toujours pas en 2007, alors que toutes les régions participent au dispositif "Lycéens", pourtant mis en œuvre dix ans plus tard, certes très inégalement.

b) Le nombre d'élèves est du même ordre de grandeur que pour «École et cinéma», ce qui représente toutefois un taux de pénétration deux fois supérieur. Il est le double du nombre d'élèves de «Lycéens au cinéma», comme l'est le taux de pénétration dans la population concernée. En ce qui concerne le nombre d'entrées généré par le dispositif, il est légèrement supérieur à «Enfants de cinéma». Là encore, on n'atteint pas l'objectif de trois entrées par élève et par an.

c) La liste de films disponible est limitée à moins de 40 titres, dont une dizaine recueillent la majorité des entrées. Comme on le verra ci-dessous, ce faible nombre de titres disponible paraît décevant lorsqu'on le compare à la profusion des films mis en distribution, et plus encore aux titres disponibles en principe dans les ciné-clubs. Si l'on doit admettre les difficultés liées aux questions de libération des droits aussi bien que la volonté de mener une action dont la qualité pédagogique soit assurée, il reste que cela ne peut donner qu'une image trop partielle du cinéma d'hier et d'aujourd'hui. Rappelons à cet égard que cette classe d'âge est réputée assister à 4 à 5 séances de cinéma annuellement, selon les estimations de l'enquête CNC.

d) L'accompagnement des enseignants demeure insuffisant, comme en fait état le bilan du CNC. Quelles qu'en soient les raisons, il y a lieu de porter un effort important dans ce domaine.