Rapport Auclaire intégral (source CNC)


samedi 7 février 2009

B.II • 3 • Des critères d'évaluation pour l'accès au soutien public

Extrait du rapport "Par ailleurs, le cinéma est un divertissement...
propositions pour le soutien à l’action culturelle dans le domaine du cinéma"
| Alain Auclaire Novembre 2008 |


Proposition n°7 : Ouvrir une réflexion collective pour définir des règles de comportement juridique et économique des festivals sur la base d'une grille de critères communément admis.

Proposition n°8 : Définir les niveaux d'attribution de compétences des services nationaux et régionaux pour le traitement des demandes de subventions.

Proposition n°9 : Créer une Commission des festivals ou de l'action culturelle au CNC, consultée sur les demandes de subvention des festivals et sur les opérations d'animation culturelle, composée de professionnels, de personnalités culturelles et de représentants des DRAC


D'une manière générale, il faut prendre d’abord en considération les critères relatifs au professionnalisme des organisateurs : recherche d'inédits, invitations de professionnels, politique d'échanges au plan national et international, exigence de qualité des projections. Il semble aussi nécessaire d’examiner le statut de l'organisateur. Si celui-ci est titulaire d'une autorisation d'exercice du CNC, il peut faire usage de la billetterie réglementaire, générant ainsi un retour de recettes, même s'il est symbolique, pour le film comme pour le lieu. La question des films sans visa doit faire l'objet d'un traitement particulier, selon les règles établies par le CNC. Au contraire, le recours à une billetterie «non-commerciale», en tous cas hors-CNC, revient à se soustraire à la pratique commune d'unicité du marché cinématographique, et devrait être évité sauf impossibilité technique. En revanche, l'extension aux festivals du contrat de représentation écrit paraît peu réaliste, surtout pour les festivals qui présentent beaucoup d'inédits étrangers.

Il convient par ailleurs de vérifier les conditions de l'équilibre économique des manifestations : répartition des recettes entre subventions et recettes commerciales, apports divers en nature, mécénats, recettes de billetterie. Ceci implique d’analyser les conditions de sélection des films : inscription payante ou gratuite, prise en charge du sous-titrage, conditions de traitement du matériel film, et le cas échéant rémunération des ayants droit ou paiement versé au distributeur, nature et montant des récompenses, reprise éventuelle de tout ou partie de la programmation dans d'autres lieux.

Enfin, il importe de prêter attention aux conditions de rémunérations des collaborateurs. Les débats autour du régime des intermittents, auxquels font appel des festivals de cinéma, autour du recours aux stagiaires et aux bénévoles, montrent la très grande vulnérabilité des festivals en matière de réglementation du travail, notamment lorsque des interprétations nouvelles sont apportées à des pratiques anciennes. À cet égard, les difficultés apparues cette année s’agissant du régime applicable aux bénévoles appellent des solutions urgentes de la part des organismes sociaux et des pouvoirs publics. Il n’en reste pas moins que ces responsabilités incombent aux gestionnaires et aux collectivités qui les soutiennent : les premiers doivent s'imposer une très grande rigueur dans la rédaction et l'application des contrats, les seconds doivent veiller à ce que leur soutien soit lié à la prise en compte des règles sociales.

À partir de ces éléments, on pourrait aboutir à une grille d’analyse de nature à guider les décisions d’attributions des subventions, en fonction de la politique culturelle des collectivités concernées et du contenu des manifestations qui sollicitent le soutien public. Cette grille devrait naturellement demeurer indicative et non normative. On trouvera ci-après quelques suggestions pour l’élaboration d’une telle démarche :
Festivals professionnels de niveau national : la sélection principale est réservée à des films inédits en France ou à des rééditions de films disparus des catalogues. La manifestation a une audience internationale, elle rassemble une forte représentation professionnelle et critique, et elle est éventuellement complétée d'un marché. Ce type de manifestation est principalement destiné aux vendeurs et distributeurs, aux critiques, aux exploitants, et peut ne pas être ouvert au public. Il peut être consacré à une cinématographie étrangère, organisée avec le soutien du pays d'origine en accord ou non avec le CNC. Pour une manifestation de cette nature, le CNC semble normalement compétent pour traiter d'une demande de subvention et le cas échéant en assurer la gestion.

Festivals de promotion cinématographique régionale ou interrégionale : ils ont une fonction de vitrine ainsi que de test du public en présentant des films inédits, mais qui peuvent avoir déjà un distributeur français. Ils mettent en présence professionnels de la distribution et de l'exploitation, ainsi que responsables d'animation culturelle. Ils sont ouverts au public sur invitation ou en accès payant. Le niveau d'intervention normal pour traiter d'un dossier d'aide financière est la DRAC. Il peut être exceptionnellement complété par le CNC si la manifestation accueille un évènement de notoriété particulière, par exemple un colloque professionnel ou un hommage à un artiste.  Manifestations consacrées à l'animation d'un lieu avec une programmation exceptionnelle comprenant des avant-premières ou des rétrospectives, ou consacrée à un thème ou à un genre particuliers. Il s'agit ici d'une action d'une salle Art & Essai sortant de sa programmation courante. La manifestation peut être soutenue par la DRAC sur la base d'un dossier précis, et de manière non reconductible. Il peut être aussi considéré qu'elle relève d’un travail déjà reconnu au titre de l'un des labels du classement Art & Essai, ou de l'aide du CNC aux salles à programmation particulièrement difficile.

Lorsque la manifestation est mise d'une manière officielle ou évidente au service d'un projet principalement consacré à la promotion touristique, et même si la programmation est de qualité, il n'y a pas lieu à soutien de la part du ministère ou du CNC.

Dans tous les cas où un festival demande une aide publique, les services chargés de l'instruction du dossier doivent veiller à la régularité ou la qualité de cinq éléments au moins :
  • les conditions de la sélection et de la programmation des films,
  • le soutien des collectivités territoriales,
  • les conditions d'accueil des professionnels, notamment des distributeurs et des artistes invités,
  • la relation avec la ou les salles d'accueil, et la nature de la billetterie,
  • enfin le respect de la réglementation sociale.

Si cet essai de rationalisation et d'intégration économique des festivals doit être poursuivi, il ne pourra aboutir que grâce à une concertation entre l'administration et les professionnels. L'orientation préconisée semble toutefois cohérente avec l'évolution des institutions comme avec celle des structures de diffusion culturelle du film. Elle se fonde sur deux raisonnements : à chaque type de manifestation doit correspondre un niveau de décision pour l'octroi d'une aide publique ; cette décision doit être prise sur la base d’un ensemble de critères de pertinence culturelle, de régularité juridique, d’équilibre de financement, de participation des acteurs professionnels et locaux.

Dans une situation de ce genre, et lorsque des enjeux même limités sont présents, la solution pratiquée pour le soutien aux activités cinématographiques est la consultation d'une commission d'experts professionnels auprès du CNC. Celle-ci examine les dossiers qui lui sont présentés par le service compétent du CNC et formule un avis consultatif. Un tel système n'existe pas dans le domaine de l'aide aux festivals, alors qu'il est de pratique courante pour des sujets de moindre importance politique, professionnelle et financière. L'objection faite à cette suggestion porte sur le poids de cette modalité nouvelle dans le processus de décision. Cette objection ne doit pas être retenue pour deux raisons principales :
  • Une commission convenablement composée et régulièrement renouvelée constitue pour l'administration un lieu de réflexion collective et d'échanges professionnels, qui fonde les décisions sur une discussion entre professionnels et représentants des collectivités publiques sur la base d’éléments publics et en principe objectifs.
  • Le fonctionnement d'une telle commission se substituerait à une partie de l'instruction interne des services et imposerait une présentation plus complète et en quelque sorte « codifiée » de leurs dossiers aux demandeurs. On peut ajouter que cela permettrait aussi d'associer les DRAC à la procédure, comme on l'a préconisé plus haut. Par ailleurs, le présent rapport comporte dans sa troisième partie des recommandations d'allègement de certaines charges pesant actuellement sur les mêmes services.